vendredi 1 novembre 2024

Qui est cette célèbre artiste, oubliée dès avant son décès ?

« L’an mil huit cent quatre vingt seize, le neuf février à six heures du matin, acte de décès de : Julie Aimée Josèphe Vansteenkiste dite Dorus, âgée de quatre vingt dix ans, rentière, née à Valenciennes (nord), décédée en son domicile rue de Londres 7, hier soir à trois heures, fille de père et mère dont les noms ne nous sont pas indiqués. Veuve de Simon Victor Gras. Dressé par nous… etc. » 

(Archives de Paris)

C’est le décès d’une presque anonyme, d’une quasi inconnue, que l’on consigne dans le registre de la mairie du 9e arrondissement de Paris en ce mois d’hiver 1896. Les déclarants ont donné dans l’ultra-discret : la défunte est “rentière“, sans année de naissance, sans noms et prénoms de ses parents, et son défunt mari n’a pas de profession. Pourtant, ces déclarants la connaissent bien, puisque ce sont ses neveux : Hippolyte Rabaud, professeur au Conservatoire de musique, et Camille Gras, “pharmacien de première classe“. Ils devaient bien savoir, ces deux-là, que Julie Vansteenkiste-dite Dorus-veuve Gras était cinquante ans plus tôt l’une des plus grandes cantatrices soprano que la scène musicale européenne ait connues. L’équivalent, de nos jours, de Cecilia Bartoli, au moins ! On reste abasourdi devant l’inconsistance de la renommée. Celle de Julie Dorus-Gras semble être retournée en poussière bien avant son décès… 

Julie Vansteenkiste était née à Valenciennes, “rue de la Barre“ dit son acte de naissance, le 21 Fructidor An 13, soit le 8 septembre 1805. De sa mère, Catherine Lionnet, d’origine nancéienne, on ne sait pas grand-chose, sinon qu’elle était la deuxième épouse de son père, Aimé Vansteenkiste, alors “professeur de musique“. Né en 1772 à Valenciennes (paroisse Notre-Dame de la Chaussée), Aimé Ghislain Vansteenkiste a exercé plusieurs métiers : il fut marchand graissier, il servit comme canonnier bourgeois durant le siège de 1793 (à l’âge de 21 ans), il s’enrôla dans les armées de Napoléon où il atteignit le grade de Lieutenant, il fut ensuite chef d’orchestre au théâtre de Valenciennes, directeur de la musique de la ville et c’est lui qui apprit la musique à deux de ses enfants, Julie et son frère Vincent (qui, flûtiste renommé, se fera appeler Louis Dorus). 
Un petit souci est que, si Julie est née en 1805 “rue de la Barre“, on devrait la trouver mentionnée lors du recensement de 1806. Mais ce n’est pas le cas. 


La jeune Victoire, 10 ans, est la fille aînée d’Aimé Vansteenkiste (“Emé“), née en 1795 de son premier mariage. Où est Julie, qui serait née l’année précédant ce recensement ? 

Au passage, autre question : pourquoi ces Vansteenkiste se font-ils appeler Dorus ? Pour le magazine Le Ménestrel, dans un article qui annonce le décès de Julie, il s’agit « du nom de sa mère, qu’elle avait adopté en prenant le théâtre ». Pas du tout. Le Grand Écho du Nord  reprend pour sa part une explication souvent donnée par les biographes : Aimé avait un oncle nommé Isidore, capitaine aux Canonniers, qui se faisait appeler Isidorus, d’où Dorus ; « trouvant son nom peu euphonique pour un musicien, [Aimé] prit le nom de Dorus porté par son parent le capitaine, et les autres membres de la famille en firent autant. » Mais le site Geneanet, par le travail d’un descendant des Vansteenkiste, indique que l’adoption du pseudonyme est bien antérieure : ce nom de Dorus était déjà porté par l’arrière-grand-père d’Aimé, Theodorus Vansteenkiste, 1677-1755, « bourgeois forain de Courtrai, fripier à Valenciennes ». 

Toutes les biographies de Julie s’accordent en tout cas sur un point : c’est son père qui lui a appris la musique. Et tous ses biographes – qui sont aussi bien souvent des hagiographes – s’émerveillent de son talent précoce et de la beauté de sa voix. Et en effet, ses premiers concerts donnés à Valenciennes font monter sa réputation jusqu’aux oreilles du Conseil municipal qui, dans sa séance de mai 1821, décide de lui accorder une bourse. 

(Archives municipales de Valenciennes)

Délibération 91 : Pension à Madelle Dorus Elève musicienne 
Melle Dorus née en cette ville d’un artiste musicien et qui a déjà du talent, ne pourrait se perfectionner par les soins de son père. 
Melle Dorus quoiqu’elle ne soit âgée que de 15 ans annonce des talents si extraordinaires que le Conseil désire la mettre en état de profiter de l’école des grands maîtres de Paris. 
Le Conseil se détermine à voter une pension annuelle de 600 francs pendant 3 ans. 

Dès 1822 la pension est montée à 800 francs : 

Délibération 80 : Pension de Melle Dorus Elève musicienne 
On voit au Budget précédent ce qui a motivé la pension de Melle Dorus, les progrès que fait cette infortunée et intéressante musicienne déterminent à lui continuer cette pension et à la porter à 800 francs parce qu’on n’a pu obtenir de la placer à moins à Paris et qu’il serait impossible à sa famille de fournir à ce supplement. 

Julie entre donc au Conservatoire à Paris, où elle obtient dès 1823 un premier prix de chant et un second prix de vocalisation. Ainsi, à dix-huit ans, elle se retrouve « attachée à la musique de la chapelle du roi » (le roi étant Louis XVIII), c’est-à-dire intégrée aux chœurs chargés de chanter les messes pour le roi. Mais elle tient, disent les biographes, à perfectionner sa technique en poursuivant ses études au Conservatoire. 

Elle fait ses débuts de chanteuse d’opéra à Bruxelles, au théâtre de la Monnaie ; c’est le succès mais un sérieux incident va précipiter son retour à Paris : elle fait partie de la distribution qui chante « La Muette de Portici » de Daniel Auber le 25 août 1830, avec le fameux air « Amour sacré de la patrie » dont le public s’empare en rugissant pour lancer tous les Belges dans une révolution qui les mènera à l’indépendance. On imagine l’émotion et la frayeur de la jeune Julie sur scène… 
Mais Paris l’attendait. Elle est aussitôt engagée à l’Opéra, situé alors rue Le Pelletier à Paris, où elle va enchaîner les rôles et les succès. Je vous fais grâce de la liste de ses rôles, année après année. J’ai trouvé plus amusant de vous présenter quelques-uns de ses costumes de scène : 





On n’a bien sûr pas d’enregistrements d’elle, et on ne connaît pas le son de sa voix. D’elle, on a des portraits (dessins, gravures, bustes), aujourd’hui précieusement gardés dans les musées et les collections privées. 

Portrait par Rochard, gravé par Riffaut, vers 1850
(sur le site de vente aux enchères www.enghien-svv.com)

Buste par Dantan le Jeune, vers 1836, musée Carnavalet à Paris

 
Buste en plâtre par Crauk, 1851, musée de Valenciennes

Cette œuvre a été commentée en son temps par un critique de L’Echo de la Frontière, dans un article qui mérite d’être mentionné : 

« Valenciennes, 18 août 1851. 
L’exposition faite à l’Hôtel-de-Ville des portraits, esquisses peintes et bustes envoyés à la Société d’agriculture pour former la Galerie valenciennoise, contient plusieurs œuvres remarquables. […] M. Gustave Crauck, aujourd’hui en loge, où il concourt pour le grand prix de Rome, a envoyé deux bustes : ceux de madame Dorus-Gras et de M. Abel de Pujol. C’était une bonne fortune pour l’artiste d’avoir à reproduire les traits aimables de notre grande cantatrice : A-t-il parfaitement réussi ? Nous en doutons. Pour qui connaît la finesse gracieuse des traits de notre concitoyenne, sa représentation laisse quelque chose à désirer. Les cheveux aussi sont trop plats et semblent avoir été mouillés. On sait toute la difficulté qu’il y a à rendre, par l’art plastique, les traits d’une femme, aussi faut-il tenir compte des obstacles que le jeune stagiaire a dû vaincre. » 

Figurine en "céramique Staffordshire", 1847, Victoria & Albert Museum à Londres

Cette figurine anglaise représente la cantatrice sous les traits de Lucia di Lammermoor (opéra de Donizetti), un de ses rôles préférés disent les biographes. C’est précisément à Londres, à Drury Lane en 1847, qu’elle a chanté ce rôle sous la direction de Berlioz, qui fut enthousiasmé par sa prestation. A l’époque elle avait quitté l’Opéra de Paris, excédée par les jalousies d’une certaine Rosine Stoltz, soprano comme elle. Elle reviendra à Londres en 1849, cette fois à Covent Garden, pour chanter – elle n’est pas rancunière – « La Muette de Portici ». 

Il faut dire, à ce sujet, qu’elle avait appris à maîtriser les incidents de scène. On dit qu’elle racontait volontiers, pour amuser ses amis, une représentation catastrophique de « Robert le Diable » où le décor s’effondrait par morceaux et où deux chanteurs disparurent inopinément dans un trou de trappe. 
Elle avait aussi appris, s’il fallait insister sur son professionnalisme, à remplacer au pied levé une collègue défaillante. Elle l’a fait deux fois : en 1841 pour remplacer Rosine Stoltz, malade, dans le rôle d’Anna de « Don Juan » (rôle appris en quelques jours, et notre Julie n’est décidément pas rancunière !), et en 1832 pour répondre aux supplications du compositeur Ferdinand Hérold qui voyait son opéra « Le Pré aux Clercs » privé de représentations à cause de la défection d’une diva (rôle appris en 48 heures, nous dit-on). 
Côté indiscrétions de coulisses, on apprend encore que Madame Dorus aimait, avant d’entrer en scène, dévorer des viandes froides qu’elle apportait au théâtre dans une boîte en fer blanc. Le plein de protéines, en quelque sorte. 

En avril 1833 à Paris, Julie épouse le premier violon de l’orchestre de l’Opéra de Paris, Victor Gras, prenant alors le nom de Gras-Dorus (et non Dorus-Gras comme nous l’appelons tous). Le couple restera sans enfant. 

Signature de Julie "Gras Dorus" (1857)
(sur le site de vente aux enchères ader-paris.fr)

Sur leurs vieux jours, ils éliront domicile à Etretat, station balnéaire alors très prisée des artistes en tout genre, où Louis Dorus (Vincent Vansteenkiste) possède déjà une villa. De nos jours existe d’ailleurs à Etretat une “rue Dorus“ (et une “rue Dorus-Gras“ à Valenciennes). Julie continuera, après le décès de son époux en 1876, de se rendre l’été à Etretat, demeurant à Paris l’hiver. 

Elle vécut une retraite tranquille, ayant eu soin, comme dit l’un de ses biographes, « sur ses appointements de l’Opéra […] de se ménager des ressources qui lui créèrent une situation indépendante » — d’où le qualificatif de “rentière“ de son acte de décès. Elle n’a jamais eu d’élèves, se refusant à se livrer au professorat (sa seule exception fut sa nièce Juliette). A ce propos, il faut quand même souligner que le Conseil municipal de Valenciennes, en 1821, nourrissait des arrière-pensées très intéressées lorsqu’il accorda sa pension à l’élève musicienne. J’ai coupé plus haut la délibération 91, en voici la fin : [Le Conseil] envisage surtout dans cette généreuse application des fonds de la commune l’expectative de procurer à cette ville une artiste capable d’instruire, ce qui manque absolument à cette ville. Vaine expectative, donc. 

A Paris, elle aimait se rendre au Salon des Artistes, comme celui où l’ont rencontrée les journalistes du Figaro, en 1886 : « Le jour du vernissage de cette année, nous l’avons aperçue, comme à chaque ouverture du Salon du reste, arpentant gaillardement les salles malgré ses soixante-treize ans, et s’arrêtant longtemps devant quelques toiles sur lesquelles elle s’exprimait en termes qui annonçaient un goût artistique très fin et expérimenté. Mme Dorus Gras est, en effet, une assidue des expositions de peinture. » 
Dans ce même article (cité par L'Echo de la Frontière, 14 septembre 1886) on trouve une allusion à sa surdité, un handicap dont je n’ai trouvé mention nulle part ailleurs : « Il y a tantôt une quarantaine d’années qu’elle a disparu du monde musical ; la surdité l’a obligée à quitter l’Opéra en plein succès… » 

Certes, le monde du silence est le monde de l’oubli pour une chanteuse. Même France Musique ignore aujourd’hui qui elle est, lorsqu’un chroniqueur nous invite à entendre déchiffrée pour la première fois une “cadence“ écrite à son nom sur un livre d’or. 

(site internet de France Musique Radio France)

Voici le lien : 

https://www.radiofrance.fr/francemusique/podcasts/tendez-l-oreille/une-trouvaille-romantique-rendue-accessible-par-un-descendant-7126954 

« Donc j’ai feuilleté un peu, raconte le chroniqueur, et j’ai trouvé une cadence, composée exprès pour ce livre d’autographes en 1844, par une soprano belge, Julie Vansteenkiste, née en 1805, chanteuse à la Monnaie de Bruxelles et à l’Opéra de Paris. Cette nuit je l’ai jouée au piano et j’ai fait un petit montage pour intégrer cette cadence à l’opéra favori de cette Julie Vansteenkiste, « Lucia di Lamermoor ». Tendez l’oreille, donc, je vous fais entendre aujourd’hui une cadence oubliée de 1844. » (minutage : 03 : 42 à 04 : 21) 
Vanne-stenne-kiss-teu.

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Mes sources :
Le Ménestrel, journal de musique, édition du 8 mars 1896 (sur gallica.bnf.fr)
Le Grand Echo du Nord, article du 17 mai 1902 (sur gallica.bnf.fr)
Geneanet : arbre de Arnaud Aurejac
L'Echo de la Frontière, Bibliothèque municipale de Valenciennes
Revue du Nord, numéro de janvier 1896 (sur gallica.bnf.fr)

mardi 3 septembre 2024

Que faire du vieux manoir des moines ?

Ils sont nombreux les Valenciennois qui connaissent la “Maison du Prévôt“, de vue ou de nom, curieuse bâtisse posée au coin de la rue Notre-Dame et de la rue des Déportés-du-train-de-Loos, précédemment rue de Paris, ou même rue Pissotte si l’on remonte aux origines.

Le bâtiment en septembre 2024
(photo personnelle)

Elle n’a pas toujours été aussi pimpante ! Ci-dessous, la voici photographiée au début du XXe siècle (le cachet de la poste semble dire 1903) sans sa tourelle qui fut reconstituée en 1988 lors d’un grand chantier de rénovation mené par Etienne Poncelet, alors architecte en chef et inspecteur général des monuments historiques :

 

(Bibliothèque municipale de Valenciennes)

Monument historique, oui, la “Maison du Prévôt“ l’est depuis 1923, classée pour ses façades et ses toitures. Voici une autre vue, non datée, qui fait frémir devant l’état, précisément, des façades et des toitures :

 

(image extraite du site Monumentum)

Un auteur a fait remarquer au passage que l’un des pignons à redents – celui du coin de la rue – avait dû être arasé tout à la fin du XIXe siècle : c’est ici bien visible. Il a lui aussi été reconstitué.

 

L’image la plus ancienne est celle qu’en donne Simon Leboucq dans son Histoire ecclésiastique de Valenciennes, dans le chapitre qu’il consacre aux Sœurs grises ou “Sœurs pénitentes de Saint-François“. Celles-ci, en 1462, s’installent en face de l’église Notre-Dame-la-Grande[1] dans une demeure qui appartenait à leur supérieure. En 1650 (date de son manuscrit), lorsque Simon Leboucq dessine la demeure en question, il dessine aussi la maison voisine : la Maison du Prévôt. Il précise bien que ces bâtiments sont séparés : petit a, monastère des sœurs pénitentes de St-François ; petit b, « maison appartenant à la Prévosté de Nostre-Dame la Grande » (il trace même un pointillé entre les deux).

 

(Bibliothèque municipale de Valenciennes)

Pourquoi l’appelle-t-on “Maison du Prévôt“ ? Apparemment, par erreur. Ou plutôt, par confusion d’usage. Je m’explique : dès sa construction, l’église Notre-Dame-la-Grande a été confiée aux moines de l’abbaye Saint-Pierre d’Hasnon, qui logeaient dans un bâtiment attenant, devenu depuis notre Sous-Préfecture. Comme toutes les abbayes, celle d’Hasnon était dirigée par un abbé, qui déléguait ses pouvoirs à un prévôt “régnant“ sur les moines, les bâtiments, les terres, bref la prévôté de Valenciennes. On connaît les noms de ces prévôts successifs, Dom Machin, Dom Chose, c’était de véritables seigneurs qui n’allaient sûrement pas habiter la misérable bicoque dont nous parlons aujourd’hui. Or ils employaient aussi du personnel laïc, notamment un trésorier (un “receveur“), et c’est ce personnage qui, pense-t-on désormais, habitait ce logement. On peut même considérer qu’il s’agissait d’un logement de fonction, car on en connaît deux occupants à deux dates éloignées : Jean Dusart, receveur en 1518, et Mathieu Le Josne, receveur en 1657.

 

D’autres “explications historiques“ ont été fournies par les uns et les autres. Nombreux sont ceux qui, sans doute à cause du dessin de Leboucq, ont dit que la maison faisait partie du couvent des Sœurs Grises, ce qui n’est pas le cas ; en 1858, un Kervyn de Lettenhove y voit l’habitation de Froissart, sans aucune preuve ; jusqu’à un abbé Jules Dewez qui, en 1890, dans son « Histoire de l’abbaye Saint-Pierre d’Hasnon », écrit : « Primitivement, le prélat d’Hasnon était seigneur du neufbourg. Comme tel, il avait droit de haute, moyenne et basse justice. Il a exercé ce droit par un prévôt et des échevins dont le siège était au fond du grand-bruile ; les ruines de ce bâtiment étaient encore visibles du temps de S. Leboucq. » Et en note : « Ne serait-ce pas un reste de ce bâtiment, que ce vieux manoir qui existe encore, au coin des rues de Paris et de Notre-Dame, et qui porte le nom de maison du Prévôt de Notre-Dame-la-Grande ? »

 

Les historiens ont tenté, les uns après les autres, de fixer la date de construction de cette maison à partir de ses caractéristiques architecturales. 

Louis Serbat, en 1906[2], la décrit : « Située à l’angle de deux rues, elle est bâtie de brique et de pierre. […]. La tourelle d’escalier, suivant un procédé vraisemblablement importé de Bourgogne, mais rare dans la région, repose sur un cul-de-lampe formant de côté une sorte d’auvent à la porte du rez-de-chaussée… » Il conclut : « On date parfois du XIIIe siècle cette habitation qui est manifestement de la fin du XVe. »

 

Le "cul-de-lampe" de la tourelle et les "encorbellements"
Ce dernier terme me paraît exagéré pour une simple décoration en relief
(photo personnelle)

En 1992, Robert Duée[3] apporte des précisions : « il s’agit d’une structure en bois habillée de maçonnerie où se mêlent harmonieusement la brique, le grès et la pierre blanche. » Il cite quelques particularités, comme « son étage en encorbellement, réminiscence des constructions à pans de bois », et il s’interroge : les moines étant présents à Notre-Dame-la-Grande depuis 1202, ne se trouvait-il pas là une construction en bois antérieure ? Question sans réponse.

Robert Duée note encore « la présence sur sa façade d’une Croix de Saint-André en briques vernissées […] croix répétée au haut du pignon droit où elle somme une grande clef verticale stylisée, également de briques vernissées… » La croix de Saint-André c’est la Bourgogne, la clef c’est celle de Saint-Pierre. Aujourd’hui ces briques vernissées ont bien pâli et on les distingue à peine, mais Robert Duée voit dans les motifs qu’elles représentent une datation possible au temps de notre « période bourguignonne », comme il dit, soit entre 1433 et 1502, avec la présence à la tête de la prévoté de « deux abbés bourguignons influents » entre 1439 et 1485.

 

On devine plus qu'on ne voit les briques vernissées en haut du pignon
(photo personnelle)

Saint Pierre et ses clefs ont été ajoutés sur des vitraux posés au XIXe siècle, hommage aux armes de l’abbaye d’Hasnon et à son saint patron :

 

(photos personnelles)

Quant à la niche en pierre, au coin du bâtiment, elle reste tristement vide et l’écu qui la portait a été rendu illisible :

 

(photo personnelle)


Dans un article paru dans « L’Echo de la Frontière » le 4 septembre 1832, Arthur Dhinaux évoque cette niche. Il écrit : « L’angle du logis porte encore, au milieu d’enjolivements gothiques usés par les ans, une de ces niches destinées à recevoir une madone, au pied de laquelle brillait tous les soirs une lanterne ; ces pieuses illuminations, qui se représentaient à chaque carrefour, étaient le seul mode d’éclairage des villes de Flandre pendant les XVIe et XVIIe siècles. »

 

Confisquée et vendue à la Révolution française, occupée par divers habitants au fil des ans (notamment par la famille d’Edmond Membrée, 1820-1882, compositeur, auteur de plusieurs opéras – une plaque le rappelle sur la façade), la maison finit par être achetée par la municipalité au XXe siècle. En juillet 2024, l’adjoint au maire chargé de la culture et de la valorisation du patrimoine (Daniel Cappelle) m’a autorisée à y entrer et à la photographier. Après ma visite j’ai dessiné ce petit plan, qui n’est sans doute pas exact dans les dimensions mais qui ne cherche qu’à donner une idée de l’agencement des lieux. L’agencement est identique à l’étage. Comme disent les agents immobiliers : travaux à prévoir ! 

 

(toutes photos personnelles)

Que faire aujourd’hui de ce bâtiment ? Robert Duée dit avec ironie que la municipalité se pose la question depuis 1912… C’est la date à laquelle un comité s’est créé pour la sauvegarde de la maison. 

« L’Echo de la Frontière », en 1888, lui trouvait une utilisation qui a toujours ses adeptes de nos jours, celle d’en faire un “musée spécial“ : « Ce Musée, qui n’aurait pas besoin d’être grand, est tout trouvé : c’est la vieille maison de la rue de Paris, … que la ville aurait dû acheter depuis longtemps, … et où nous pourrions transporter tout ce qui rappelle Carpeaux et loger les toiles de Colier, etc. » Un musée d’accord, mais plutôt de “curiosités valenciennoises“ suggère « Le Courrier du Nord », qui estime que seul « notre grand Musée » peut accueillir les œuvres de Carpeaux. Bref, suggestions sans suite.

Pourtant, le 13 août 1943, le Conseil municipal décide d’acheter un terrain contigu à la maison (désormais classée), car « cette maison est destinée à l’aménagement d’un petit Musée d’art local ». Sans doute peut-on penser que la période était mal choisie.

La question reste donc posée : quels sont désormais les projets de la ville de Valenciennes pour garder en bon état l’une des plus anciennes maisons de la cité ? Une réponse est proposée par Daniel Cappelle, une idée qui est juste née et n’a pas encore été creusée : faire de la “Maison dite du Prévôt“ une résidence d’artistes, avec ateliers au rez-de-chaussée et logements à l’étage. C’est une perspective intéressante, que nous serons nombreux à suivre.



[1] Voir dans ce blog mon article « Quelle était cette église “grande“ sur si petite paroisse ? », publié le 7 novembre 2023.

[2] Louis Serbat, « L’église Notre-Dame-la-Grande à Valenciennes » in « Revue de l’art chrétien », 1906 (sur gallica.fr)

[3] Robert Duée, alors président du Cercle archéologique et historique de Valenciennes, « La maison dite “du prévôt de Notre-Dame“ à Valenciennes » in « Valentiana » n°9. Voir aussi le résumé qu’il en fait dans « Valentiana » n° 25-26 daté de juin 2000.

mercredi 15 mai 2024

Qui est ce sculpteur qui mérite une médaille ?

A Valenciennes, lorsque l’avenue de Verdun a été refaite en 2023 (chaussée, trottoirs, places de stationnement, etc.), la municipalité en a profité pour installer le long des habitations quantité de bacs à fleurs et à arbustes, et aussi une décoration dont l’objectif est double : rappeler les grands moments valenciennois de la guerre 14-18 (on n’est pas avenue de Verdun pour rien) et mettre à l’honneur un grand artiste de notre cru : Pierre-Victor Dautel, médailliste primé à de multiples reprises.

La nouvelle avenue de Verdun à Valenciennes, avec l'une des "médailles" de Dautel
(image extraite de la page Facebook du maire, Laurent Degallaix)


Portrait non daté
(en vente sur eBay)

Pierre-Victor Dautel est né à Valenciennes le 19 mars 1873. Sa maison natale, rue d’Audregnies, porte une plaque qui commémore l’événement – mais il faut lever le nez.

 

La maison natale de Dautel, et sa plaque : Pierre Victor DAUTEL - Grand Prix de Rome - graveur statuaire - est né en cette maison le 19 mars 1873
(photos personnelles)

Son acte de naissance est plus bavard que cette plaque.

 

(Archives départementales du Nord)

On y fait la connaissance de sa mère, Léocadie Lequime, qui décédera en octobre 1880 laissant quatre orphelins dont Pierre-Victor était le plus jeune. On y fait aussi la connaissance de son père, qui était déjà une personnalité à Valenciennes, ville dont il fut l’architecte d’arrondissement dès 1876. Monsieur Dautel père disparaîtra en 1906.

 

Léocadie et Pierre-Joseph Dautel-Lequime.
Médailles réalisées en 1907 et 1905 par leur fils
(images extraites de Musenor et du site MSK-Musée des Beaux-Arts de Gand)

Si je continue le chapitre de sa vie privée, j’apprends que Pierre-Victor Dautel s’est marié deux fois. La première fois en 1906, juste après le décès de son père, avec Marie Cordier, modiste à Paris (mais native d’Anzin), qui était déjà la mère d’une jeune Suzanne âgée d’une dizaine d’années et que l’artiste reconnaîtra alors. Ils divorcent en mars 1913, et Dautel épouse “dans la foulée“ (en avril) Léa Hainaut, native d’Ancenis en Loire-Atlantique, qui lui donnera un fils, Jean-Pierre Dautel (1917-2000).

 

Marie Cordier, médaille réalisée en 1905 - Léa Hainaut, médaille réalisée en 1926
(image Musenor et image extraite du livre "Sortir de sa réserve")

 

Jean-Pierre Dautel, médaille réalisée en 1930
(image Musenor)

C’est à Ancenis que Dautel finira ses jours, le 12 novembre 1951, après une vie artistique littéralement couverte de gloire. Il est enterré à Valenciennes, au cimetière Saint-Roch, dans le caveau de famille décoré du médaillon portant le profil de son père.

 

(image extraite de la page Facebook de Richard Lemoine)

Pour raconter son enfance et sa formation, je me suis fiée aux souvenirs d’Emile Langlade, qu’il raconte dans le tome 4 de ses « Artistes de mon temps » paru en 1938 à Arras[1]

Pierre-Victor Dautel était inscrit “aux Académies“, comme on appelait la grande école fondée à Valenciennes en 1784 et qui forma tant d’artistes renommés. 

 

En 1934, Pierre-Victor Dautel réalisa la médaille du 150eanniversaire des Académies

(image Musenor)


A seize ans, il y suivait les cours d’Architecture, sur les traces de son père, et de Sculpture, par goût personnel. Il était l’élève de Charles Maugendre, tout juste arrivé comme professeur aux Académies de Valenciennes (1887) après une carrière de sculpteur à la Manufacture de Sèvres. Mais il semble que Dautel ne s’entendait pas très bien avec son professeur. Il aimait par-dessus tout, raconte Langlade, fréquenter l’atelier d’Edmond Lemaire, sculpteur sur bois rue de la Nouvelle-Hollande, le maître prodiguant volontiers ses conseils au jeune débutant.

Sa marraine, indique Langlade, était la fille de Jean-Baptiste Bernard, lui-même architecte du département et professeur aux Académies en son temps (il est mort en 1856), ses élèves s’appelant Constant Moyaux, Jean-Baptiste Carpeaux, Jules Batigny, Louis Dutouquet ou Emile Dusart ! C’est chez le mari de sa marraine, un Monsieur Lajoie, lui-même architecte, que Pierre-Victor Dautel trouva un petit travail de dessinateur technique, qui lui permit de quitter le foyer familial. « Un beau jour, » raconte Langlade, il partit pour Paris, où il se lia d’amitié avec les artistes valenciennois partis avant lui, et trouva à travailler, tantôt chez l’architecte Parent[2], tantôt chez le sculpteur Gauquié[3], pour finir par être admis à l’Ecole des Beaux-Arts de Paris le 8 juillet 1893. Il y est inscrit à l’atelier de Barrias[4], lequel n’est pas très satisfait (comme Maugendre) des trop nombreuses absences de son élève, obligé par ailleurs de travailler pour gagner sa vie. Selon Langlade, Barrias incitait Dautel à s’inscrire chez Chaplain, médailliste réputé, mais Pierre-Victor refusait, préférant recevoir une formation “multiple“ : sculpture, peinture, architecture.

 

En 1902, Dautel fut admis à concourir pour le Prix de Rome, sur le sujet imposé du “Martyre de saint Sébastien“ (le saint fut attaché à un poteau et transpercé de flèches). Résultat : il remporte le Grand Prix en gravure en médaille, recevant alors les félicitations de son père, de Barrias et de Chaplain ! La presse se fait largement l’écho de ce succès, les feuilles septentrionales se frottant les mains : « Encore un Valenciennois ! » titre le “Grand Echo du Nord“ pour annoncer la nouvelle. C’est qu’en effet les artistes de Valenciennes raflent la mise, en 1902 : 

 

Le Petit Journal, 26 juillet 1902
(image Gallica)


Valenciennes, en ce temps-là, n’hésitait pas à sortir le grand jeu pour fêter ses artistes. C’est Langlade, encore, qui raconte : « Naturellement, Valenciennes … fêta comme il était de tradition, les succès de ses enfants : Dautel, Terroir et Brasseur. On leur avait dressé des arcs de triomphe ; tout le long du chemin qui mène à l’Hôtel de Ville, des bannières tricolores, du haut de leurs mâts, se balançaient sous la brise ; des guirlandes de feuillage égayaient les rues et l’indescriptible enthousiasme de la foule accompagna les « romains » de ses acclamations, jusqu’à l’estrade dressée sur la place d’Armes où le Maire, Devillers[5], vint les haranguer, leur donner l’accolade et fleurir leurs bras de superbes gerbes de fleurs dignes de leurs succès. »

 

Arc de triomphe dressé au coin de la place d’Armes et de la rue de Paris en 1902

(image photographiée dans le livre « Bienvenue dans l’Athènes du Nord[6] »)


Et les festivités se poursuivirent : « Cette réception fut suivie, le 27 septembre, d’un banquet offert par la municipalité de Valenciennes, l’Union valenciennoise de Paris et l’association des anciens élèves des Académies de Valenciennes, » ajoute Langlade.

 

Le banquet de 1902, image dessinée par Constant Moyaux
(Bibliothèque municipale de Valenciennes)

Les éditeurs Giard, place d'Armes, publieront des cartes postales à l'effigie des Prix de Rome
(Archives municipales de Valenciennes)

Dautel séjournera à la Villa Médicis à Rome du 1er janvier 1903 au 31 décembre 1905. Il y travaille son art dans ce qui sera sa spécialité : les portraits. Par divers concours de circonstances, le musée de Valenciennes possède aujourd’hui une très grande quantité de ces médailles, que l’historien d’art Jean-Claude Poinsignon présente une à une dans son livre « Sortir de sa réserve[7] », avec pour chacune une courte biographie du personnage concerné. On comprend ainsi que Dautel a d’abord représenté les gens qui lui étaient proches : sa femme, son père datent des années romaines, mais aussi ses amis Lucien Brasseur, Elie Raset, ou encore les artistes séjournant à la Villa en même temps que lui : Edouard Monchablon, Louis Bouchard, Fernand Sabatté, et Eugène Guillaume, directeur de la Villa de 1891 à 1905.

 

 

Le peintre Lucien Jonas par le médailliste Pierre Dautel (1924, à gauche) et le médailliste Pierre Dautel par le peintre Lucien Jonas (1938, à droite). Les deux artistes étaient de grands amis
(images Musenor)


Pour la suite, tourner les pages du livre de Jean-Claude Poinsignon permet de comprendre que Dautel les a tous connus, ceux qui faisaient “la crème“ de la première moitié du XXe siècle, savants, artistes, élus, faisant carrière à Valenciennes ou à Paris. Il leur a gravé le portrait – de profil – pour l’éternité. Mais il a aussi créé des médailles pour des institutions : l’Union valenciennoise à Paris, le syndicat d’initiative de Nantes, la chambre de commerce du Mans, etc. ; et pour des entreprises : centenaire des papeteries d’Odet, Caisse d’épargne de Valenciennes… Il a travaillé pour des anniversaires, notamment pour les centenaires de Jean-Baptiste Carpeaux et de Gustave Crauk (1927), pour le 150anniversaire de la fondation des Académies de Valenciennes (1934), ou pour le sixième centenaire de la naissance de Froissart (1937).

 

Avers et revers de la médaille commémorant le sixième centenaire de la naissance de Froissart, 

réalisée à la demande de la ville de Valenciennes en 1937 

(images Musenor)

 Et n’oublions pas d’autres travaux, comme la réalisation de l’épée d’académicien d’Edouard Jordan[8] en 1935, celle du monument aux morts d’Ancenis, celle du monument aux Régiments de Valenciennes en 1937, ou la gravure du timbre consacré à Ronsard en 1924.

 

Au coin de la rue de Lille et de la place du Hainaut, le monument aux Régiments de Valenciennes 

réalisé par Pierre-Victor Dautel

(photo personnelle)


Le timbre signé Dautel pour célébrer le quatrième centenaire de Rossard
(image extraite du site timbres-de-france.com)

Si le Grand Prix de Rome fut son premier pas vers la renommée, d’autres récompenses vinrent régulièrement marquer son parcours artistique. Médaille d’honneur au Salon des Artistes français de 1927, Chevalier de la Légion d’Honneur en 1929, Officier de la couronne d’Italie, grand prix des Arts de la Société des Sciences de Lille en 1938, nommé Rosati d’honneur en 1930. Il sera aussi, chez les Rosati, membre du comité d’organisation professionnelle des arts graphiques et plastiques à partir de 1941.

 

Durant l’été 1951, Pierre Victor Dautel reçoit une commande de la municipalité de Valenciennes, dirigée alors par Pierre Carous. On lui demande de créer des médaillons représentant de grands artistes valenciennois, destinés à loger dans les cinq niches rondes situées sur la façade latérale côté rue des Incas. Dautel se met aussitôt au travail et envoie un projet au conseil municipal, une ébauche de dessin très précieusement gardée aux Archives et sur laquelle figurent les sculpteurs Hiolle, Crauk, Carpeaux, Lemaire et Fagel :

 

(Archives municipales de Valenciennes)

Le 5 novembre, une délibération municipale adopte ce projet ; il ne verra cependant jamais sa réalisation, car Pierre-Victor Dautel décède la semaine suivante, le 12 novembre 1951. Et les niches du musée sont restées vides.

 

(photo personnelle)


 

L’AVENUE DE VERDUN

 

Parmi les quelque 160 œuvres de Dautel conservées aujourd’hui par le musée de Valenciennes, tout un “lot“ fait référence à la guerre 14-18. Voilà qui nous ramène à l’avenue de Verdun, et au choix des médailles qui a été fait par l’actuelle municipalité à la fois pour raconter la guerre et pour honorer l’artiste. Voici les panneaux (photographiés sur place) qui les présentent au long du parcours :

           

David et Goliath, 1914

Cette médaille représente la victoire de David sur Goliath. Ce thème, d’origine biblique, est associé à la date de 1914 (MCMXIV). Cette œuvre prend alors tout son sens. La France s’identifie au jeune et courageux David qui tue le géant Goliath à l’aide de sa fronde.

Dès le 25 août 1914, la ville de Valenciennes est envahie et, contrairement aux espoirs, va connaître une occupation longue et dure pendant 1530 jours. Les soldats, partant la fleur au fusil, pensent alors la victoire facile et rapide.

 

Le Baiser maternel (Espérance), 1914

Au dos de la médaille représentant David et Goliath se trouve la représentation de l’Espérance sous les traits d’un baiser maternel. Cette médaille reprend le motif d’une autre médaille sculptée en 1904 lors de son séjour à Rome et s’inspirant probablement de la femme et de la fille de l’artiste.

La population se trouve isolée, coupée du reste de la France non occupée, sans possibilités de quitter la zone ni de partager des nouvelles aisément. Les habitants subissent très vite des brimades et vexations. Les réquisitions sont de plus en plus nombreuses et variées au fur et à mesure que la guerre se prolonge.

 

Gloria Victis, 1920

A leur retour, ces prisonniers sont exclus des honneurs rendus aux autres combattants. Cette médaille est une commande de l’Association des Prisonniers de Guerre. Elle représente un soldat français dans un camp sous l’inscription “Gloria Victis“ (Gloire aux Vaincus).

Si la Première Guerre mondiale est connue pour ses pertes humaines, environ 600 000 Français sont faits prisonniers de guerre en Allemagne et se retrouvent dans des camps. Valenciennes occupée accueille ainsi durant la guerre des prisonniers français. Ils ne rentrent chez eux qu’après l’armistice.

 

Aux Morts de la Guerre, 1917

Cette médaille sculptée en 1917 représente une jeune glaneuse découvrant un casque dans un champ de blé. Cette thématique sera courante sur les monuments aux morts et rappelle les nombreux soldats disparus.

La Première Guerre mondiale est à l’origine de millions de morts, dont 1 400 000 militaires et 300 000 civils français. Valenciennes, comme toutes les villes de France, a fortement souffert. Au sortir de la guerre, un hommage leur est rendu par un Monument aux Morts sculpté par Elie Raset. Il porte 871 noms de soldats morts pour la France.

 

Visite de l'American Legion en France (avers), 1927

Sous l’inscription “Pour toujours“, deux soldats se tendent les mains. Cette médaille rappelle le rôle primordial des alliés et, en particulier, des Américains dans la libération de la France.

En août 1918, la grande contre-offensive alliée fait reculer les troupes allemandes. Ce sont des Britanniques et des Canadiens qui libèrent Cambrai en octobre et se présentent aux portes de Valenciennes. Le 2 novembre, les Canadiens entrent dans Valenciennes. Les jours suivants, ces unités avec les Britanniques libèrent le Valenciennois.

 

Visite de l'American Legion en France (revers), 1927

En 1927, l’ “American Legion“, association des Anciens Combattants de l’armée des Etats-Unis, est accueillie en France. Une cérémonie a lieu en leur honneur qui se déroule à l’Arc de Triomphe. Cette médaille en bronze rappelle cet événement. Un exemplaire en or est offert au président des Etats-Unis tandis que des versions plus petites sont offertes aux anciens combattants américains.

En 1918, environ deux millions de soldats américains étaient sur le sol français et avaient répondu, à la suite du capitaine Stanton, “La Fayette, nous voilà !“

 



[1] « Artistes de mon temps » par Emile Langlade, 1938 : il aborde la vie de Pierre Dautel de la page 101 à la page 119 du tome 4.

[2] Henri Parent, né à Valenciennes (1819-1895) est l’un des concepteurs du musée de Picardie à Amiens, l’un des restaurateurs du château d’Ancy-le-Franc dans l’Yonne, l’un des candidats au concours pour la construction d’un Opéra à Paris (concours gagné par Charles Garnier).

[3] Henri Gauquié (1858-1927) fut l’élève de René Fache à l’Académie de Valenciennes. Il est entre autres l’auteur, à Paris, des candélabres du pont Alexandre III ou du monument à Antoine Watteau au Jardin du Luxembourg, et à Semur-en-Auxois du monument aux soldats du canton de Semur (Côte-d’Or).

[4] Louis-Ernest Barrias (1841-1905), Prix de Rome en 1865, est par exemple l’auteur de “La Défense de Paris“ (sculpture aujourd’hui sur le parvis de La Défense). En 1894 il succéda à Jules Cavelier comme professeur de sculpture aux Beaux-Arts de Paris.

[5] Charles Devillers fut maire de Valenciennes de 1899 à 1912.

[6] « Bienvenue dans l’Athènes du Nord » par Jean-Claude Poinsignon, éditions Spratbrow, 1998.

[7] « Sortir de sa réserve », Le fonds valenciennois de sculptures XIXe et XXe siècles au Musée des Beaux-arts de Valenciennes, par Jean-Claude Poinsignon, 1992. Une bible !

[8] Edouard Jordan, 1866-1946, historien et professeur d’université, nommé membre de l’Académie des Sciences morales et politiques en 1933.