Photo J.B. Metais & J.Y. Boureau sur le site jbmetais.com |
L’aiguille, la flèche, l’épine… les Valenciennois ne savent
pas trop comment nommer la chose qui se trouve désormais posée à l’extrémité
sud de la Place d’Armes, phallus municipal censé exprimer la fierté des
habitants de vivre en cette ville. Ils savent, parce que c’est écrit dessus,
que cette sculpture est l’œuvre de Jean-Bernard Métais qui l’a baptisée
sobrement « Valenciennes ». Ils savent aussi, parce qu’ils y étaient,
qu’elle a été inaugurée en grande pompe le 21 décembre 2007, l’événement
figurant au nombre des festivités organisées pour la clôture de l’année
« Valenciennes capitale régionale de la culture ». Ils savent tous
que la chose est gravée de deux mille mots, sélectionnés par le sculpteur parmi
les sept mille qu’il a recueillis auprès de la population, des paroles de
Valenciennois que l’artiste a rassemblées sous le titre de
« Litanie » (vous en trouverez le texte in extenso sur le site internet hainautpedia.vallibre.fr). Les plus
géomètres des habitants savent encore que la chose mesure quarante cinq mètres
de haut et deux mètres quarante de diamètre ; les plus baladins,
qu’on peut, lorsqu’on s’approche et qu’on fait abstraction de la circulation
automobile, entendre le mur rond murmurer les paroles dont il est orné.
Croyez-le ou non, officiellement, cette sculpture est le
nouveau beffroi de Valenciennes. Elle a été érigée, nous dit-on, à
l’emplacement même où s’élevait le précédent beffroi, le vrai, l’unique,
l’historique, celui dans lequel on pouvait grimper pour surveiller les
alentours. Le beffroi est un monument typique de nos régions de la France
septentrionale et de la Belgique. Il affirme l’autorité de la cité, il asseoit
sa puissance – et accessoirement il donne l’heure. Valenciennes possédait donc
un beffroi, une tour construite avec la permission de sa Comtesse Jeanne dans
les années 1240. Cette tour médiévale a été rehaussée plusieurs fois – en 1546
pour que le guetteur puisse y voir plus loin, en 1647 pour relever la flèche,
et en 1784 pour faire encore plus que plus – ce qui a fini par entraîner sa
perte. Le dernier rehaussement pesait trop lourd, et la tour s’est effondrée en
1843, événement dramatique qui causa plusieurs morts.
L'ancien beffroi de Valenciennes en 1842 (aquarelle, document personnel) |
La plupart des beffrois sont généralement construits
au-dessus des hôtels de ville. Pas celui de Valenciennes. Ici, le beffroi
faisait bande à part. Il a d’abord surplombé la « bourse aux
marchands », puis des maisons d’habitation qui servaient aussi d’échoppes
et qu’on connaissait sous le nom de leurs enseignes : le Dromadaire, la
Sirène, le Castor, et autres charmantes appellations. Au tout début du XIXe
siècle, on installa à ses pieds les bureaux de l’octroi et le cercle du
commerce. Dans les mêmes années, en 1811, on le munit d’un paratonnerre, le
premier jamais planté à Valenciennes.
Le beffroi était le perchoir du guetteur. Un second guetteur
se trouvait dans un clocher d’église, place Verte, jusqu’à la démolition de
l’église par les Autrichiens en 1793. Les deux postes de vigies avaient été
créés en 1347.
Le beffroi contenait aussi un carillon et quatre cloches
municipales : celle dite du Prévôt, qui se trouve maintenant dans le
clocher de la basilique ; celle des ouvriers, qu’on appelait la
curiande ; celle du couvre-feu, qui annonçait la fermeture des portes de
la ville ; et celle des incendies. De sorte que, non seulement le beffroi
donnait l’heure (une horloge avait été installée en 1625), mais il sonnait
aussi les fêtes, les assemblées, les exécutions capitales, la foire, l’arrivée
de la garnison, tout ce qui faisait la vie d’une petite ville autrefois.
Enfin, et on a du mal à le croire aujourd’hui, le beffroi
offrait matin et soir un petit concert aux promeneurs : quatre joueurs de
hautbois, installés au balcon, étaient chargés de ces aubades et sérénades.
L’orchestre des Museux a tenu bon de 1428 à la Révolution. Il avait été créé
par un bourgeois de Valenciennes, Jacques le Vayrier, qui avait fait don à la
ville de quatorze hectares de terre dont les revenus devaient servir exclusivement
à rémunérer les quatre musiciens.
Aujourd’hui, l’épine, l’aiguille, la flèche continue à
enchanter la population, mais différemment. Non seulement la sculpture
chuchote, mais elle s’illumine dès le soir tombé et lance dans la nuit sa
silencieuse litanie. Un spectacle poétique sinon féerique. Le jour, elle est
censée servir de cadran solaire – donc donner l’heure – sauf qu’on n’a jamais
tracé de cadran à ses pieds.
Quant au meilleur point de vue pour juger de l’élégance de
la sculpture et de sa pertinence artistique, il se trouve dans l’axe de la rue
de la Paix, à hauteur de l’avenue d’Amsterdam. Essayez : allez-y et
regardez, vous allez comprendre.
* Une petite vidéo
pour voir la création et l’installation de l’œuvre :
https//vimeo.com/197406942
https//vimeo.com/197406942
il faut lire en fin de document angle de la rue de la paix et de la rue du Quesnoy et non pas avenue d'amsterdam, ou alors vous avez une très bonne vue
RépondreSupprimerNon non, je parle bien de l'avenue d'Amsterdam. Je vous assure que depuis ce point de vue un peu "lointain", l'objet prend une vraie signification
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