dimanche 13 mai 2018

Quelles sont ces paires de fesses qu'on admire au foirail ?

(photo personnelle)
Jeudi de l’Ascension, à Valenciennes, s’est tenue la foire aux bestiaux. Ses organisateurs l’appellent plutôt Foire Agricole, avec le Concours national d’animaux de races à viande et la Foire-exposition de produits du terroir. Elle a lieu tous les ans, depuis 1953, à l’Ascension, et connaît un grand succès auprès de la population.

Les jurés en pleine discussion
(photo personnelle)      
Auprès des éleveurs aussi ! Cette année, 60 professionnels ont présenté 260 animaux, l’an dernier ils n’avaient amené que 180 bêtes. Ils font admirer des races diverses, qui portent toutes de bien jolis noms : Charolaise, Rouge des Prés, Limousine, Blonde d’Aquitaine, Parthenaise, Belle-Bleue Label Rouge, Bazadaise, et celle qu’on élève surtout par chez nous, la Blanc Bleu Belge. Environ 60 % des têtes élevées en France le sont dans le Hainaut et en Thiérache.
Cette BBB, comme l’appellent les gens du métier, est une vache de création récente, issue de bovins belges à robe bleue mariés à des "Shorthorn" anglais, sélectionnée à partir des années 1960 pour devenir une race à viande. Les chercheurs de Ciney, dans la province de Namur en Belgique, ont rendu héréditaire le gène « culard » qui, comme son nom l’indique, donne à la bête un cul hypertrophié, très impressionnant. Pour autant, ce n’est pas la seule caractéristique à laquelle se sera intéressé le jury chargé de primer les plus belles bêtes, l’autre jeudi à Valenciennes. Composé d’éleveurs, d’acheteurs, de bouchers, il aura également vérifié que la bête présentait une épaule bien musclée, un garrot large, des côtes arrondies, un dos large et musclé avec une gouttière médiane – j’en passe et des plus compliqués ! L’animal est assez grand : 150 cm au garrot pour le mâle, 135 pour la femelle ; et il pèse son poids : 1250 kg le mâle, 800 kg la femelle. Sa robe est donc couleur pie bleu sur fond blanc ou blanc-crème, mais elle peut aussi être entièrement blanche.
Au vrai ce n’est pas pour sa couleur qu’on l’élève, mais pour sa viande. Son hypertrophie musculaire permet une production avantageuse, avec le pourcentage de morceaux nobles le plus élevé de toutes les races à viande. Les bouchers se félicitent de son « rendement carcasse » qui est de l’ordre de 70 % (il est de 65 % pour la Charolaise, par exemple). Certains amateurs se régalent de cette viande aux fibres très fines qui rendent ses morceaux à griller particulièrement tendres. Mais d’autres regrettent son absence de gras, ce qui lui donne un goût moins savoureux. 

En coulisse on prépare les seaux qui contiennent les récompenses
(photo personnelle)
Qui dit concours et jury, dit récompenses. Qu’est-ce qu’on gagne ? Outre les habituels lots distribués par les « sponsors », on gagne un seau ! Bien sûr, l’important est ce qui se trouve dans le seau : une plaque en métal, et un diplôme à encadrer, qu’on apposera sur les murs de l’exploitation ou du magasin. « Quand on gagne un prix, m’indique l’un des participants, on peut vendre un ou deux euros de plus au kilo. » Car là est bien l’objectif : faire connaître la qualité de son travail à l’ensemble de la filière. Et pendant la Foire Agricole, les affaires marchent. « T’as vendu quelque chose ? » demande un éleveur à son confrère ; « oui, j’ai tout vendu ! » lui répond l’autre satisfait. Et lorsque je photographie un petit groupe de jurés en train de discuter, on m’indique que « ce monsieur, là, est acheteur chez Bigard ».

Comme autrefois, on placera sur le mur du magasin la plaque gagnée au Comice
(photo personnelle)            
La filière est présente, le public aussi. La Foire attire un maximum de familles, qui se promènent au milieu des bestiaux comme au zoo, et qui s’arrêtent devant les stands des « produits du terroir » — de tous les terroirs, à vrai dire, histoire qu’il y en ait pour tous les goûts, des olives et tapenades aux produits antillais. Certains étals, même, laissent dubitatifs, comme les tricots pour bébés ou les bijoux artisanaux… Sans oublier le déjeuner bifteck-frites à prix unique, il faut voir la file qui s’allonge devant le kiosque où l’on vend les tickets repas pour constater le succès de la manifestation. Sans oublier la présence de poneys pour les enfants. Sans oublier les promenades en calèche dans les environs immédiats du foirail. Sans oublier la célébrité avec qui on se fait photographier, cette année c’était le gagnant d’un concours télévisé.

Bien avant midi, la file d'attente se forme pour acheter son ticket repas
(photo personnelle)
C’est sans doute l’alliance du professionnel et du « touristique » qui fait le succès de ce Comice agricole, une fête que je pensais surannée mais qui s’avère bien vivante. Elle permet d’attirer l’attention sur une filière qui se débat pour ne pas disparaître – la mode est aux prix bas, à l’importation de bœuf étranger, au régime « vegan ». Elle peut nous faire lire avec plus de discernement les informations qui vont paraître sur la Politique agricole commune ou sur la Loi Alimentation. Pour ma part, elle m’a fait connaître un animal doux comme un agneau, une jolie vache dont les grands yeux étonnés ont longuement regardé mes congénères dévorer les siens… Bon appétit !

Trois fois primée au Salon de l'Agriculture de Paris 2018,
cette vache BBB élevée au Preux-au-Sart, près de Valenciennes,
porte toutes les caractéristiques de la race
(photo extraite du site web-agri.fr)

PS – Pour tout savoir sur la BBB, consultez sans hésiter le site « La recette du dredi ! » sur blog.deluxe.fr