vendredi 25 novembre 2022

Mais pourquoi ont-ils fermé le musée ?

En juillet 2021, à l’époque où la plupart des équipements culturels français commençaient à envisager leur réouverture après le long épisode de la Covid-19, le Musée des Beaux-Arts de Valenciennes annonçait, lui, sa fermeture totale. Jusqu’en 2023, disait-on à l’époque ; aujourd’hui c’est plutôt jusqu’à l’automne 2025. Mince alors ! Mais pourquoi ? Bien sûr, on connaît la réponse : c’est pour faire des travaux. Régulièrement, cependant, des travaux d’entretien ou de rénovation sont effectués dans ce musée, et cela ne nécessite pas de fermeture totale. Alors ? Que se passe-t-il ? Ma foi, vous connaissez la chanson : tout va très bien, Madame la Marquise, mais l’on déplore un tout petit rien…

Ce tout petit rien, c’est la conception même du bâtiment dû à l’architecte Paul Dusart, qui a pris exemple sur le Petit Palais de Charles Girault à Paris : la meilleure lumière pour un musée est celle qui vient d’en haut ; cette lumière zénithale idéale sera fournie par des mètres et des mètres carrés de verrières, faisant office de toit. 

 

Les verrières représentent 80 % de la surface de couverture, le reste étant en ardoise.
(Photo extraite de la page Facebook de Richard Lemoine)

Sous ces verrières-toits, d’autres verrières, visibles dans les salles d’exposition, font office de plafond. Ainsi, toit transparent plus plafond transparent assurent aux œuvres une qualité exceptionnelle de lumière du jour.

 

Sous la verrière du toit
(photo Musée de Valenciennes)


Sous la verrière des salles
(photo Musée de Valenciennes)

Sauf que la pluie, le gel-dégel, la condensation raffolent eux aussi de ces installations en verre et structures métalliques, et c’est ainsi qu’au fil du temps, Madame la Marquise, on déplore de tout petits riens : des fuites sur les murs, des traces de coulures sur quelques œuvres, à quoi il faut ajouter la présence d’insectes xylophages, et aussi des factures énergétiques extravagantes, car la conservation des œuvres dans un musée nécessite une température et une hygrométrie toujours égales tout au long de l’année.

Le musée a été construit en 1905-1909, la verrière a déjà été rénovée au bout de cinquante ans d’âge, mais l’opération nécessite d’être renouvelée, cinquante nouvelles années s’étant écoulées.

Constatant le triste état de son musée municipal, la ville de Valenciennes aurait pu choisir de se débarrasser de ces verrières et de les remplacer par un bon toit bien isolant du chaud, du froid et de l’humide. Mais quel dommage ç’aurait été ! Quelle catastrophe architecturale ! 

Heureusement, nos élus ont fait le choix inverse : non seulement les verrières vont être remplacées, les couvertures en ardoise vont être revues, mais le bâtiment va aussi retrouver son état d’origine en réintégrant des éléments de décor qui avaient disparu (travail sur la forme du dôme, ajout de pots à feu, etc.).

 

Un pot à feu est un élément architectural décoratif
(image Wikipédia)

         

Image Musée de Valenciennes - projetée lors d'une conférence publique le 17 novembre 2022

D’autres travaux vont encore être entrepris pour le confort des visiteurs et des personnels du musée, comme l’installation d’un ascenseur ou une facilité d’accès pour les personnes à mobilité réduite.

 

Alors, tant qu’à faire, puisque le musée doit être fermé et que toutes les œuvres présentées doivent être décrochées et sorties des salles, décision a été prise de toutes les passer en revue pour vérifier leur bon état sanitaire. Bien sûr, décrocher un Rubens de son mur n’est pas une mince affaire, et l’opération s’est présentée comme un chantier dans le chantier ! Ce genre de tableau ne passe pas par les portes, il a donc fallu décrocher les toiles de leur encadrement puis les rouler avec mille précautions pour les emporter dans un “ailleurs“ gardé secret. Dans certains tableaux peints sur bois, dans certains encadrements, des insectes ont été découverts – et détruits sans pitié, par asphyxie ! (les œuvres contaminées ont été placées dans des caissons sans oxygène). Sur d’autres œuvres, il a fallu procéder à de petites restaurations, sur d’autres encore, un simple dépoussiérage a suffi. Mais tout a été passé au crible, sculptures comprises. Et tout cela a permis de “mettre à jour“, si l’on peut dire, la connaissance parfaite des collections, dans une perspective de gestion optimisée. Comme quoi, à toute chose, malheur est bon !

 

Hélène Duret et Fleur Morfoisse, au Conservatoire le 17 novembre 2022
(photo personnelle)

Fleur Morfoisse, actuelle directrice du musée, et Hélène Duret, directrice adjointe, souhaitaient cependant que peintures et sculptures continuent à être vues pendant ces travaux, plutôt qu’être rangées bien cachées. Elles se félicitent donc que de nombreux musées français aient accueilli chez eux des dizaines d’œuvres provenant de Valenciennes, comme à Nantes, à Besançon, à Tours, à Cassel, à Douai, à Saint-Amand, et ailleurs encore, le temps que les travaux soient accomplis. Elles se réjouissent aussi d’avoir “visité à fond“ les réserves et d’y avoir repéré des œuvres majeures qu’elles souhaitent désormais présenter dans leurs futures salles. Surtout, à la demande du ministère de la Culture et parce que notre musée municipal est labellisé « Musée de France », elles ont travaillé avec leurs équipes pour préparer un « projet scientifique et culturel » qui porte leur vision du musée pour les cinq années à venir. 

Quelques pistes, suite à leur réflexion ? Donner une identité “Valenciennes“ plus que “beaux-arts“ au musée, mieux travailler avec les musées et le public belges, donner plus de visibilité à la création contemporaine, valoriser le très riche fonds archéologique, présenter les œuvres (peintures, sculptures, mais aussi dentelles, porcelaines, etc.) en dialogue dans les salles… et aussi mieux accueillir le public en renouvelant l’attribution des différentes surfaces notamment. Nouveau parcours de visite, nouvelle scénographie, nouvelle mise en valeur des œuvres… notre attente sera longue, mais assurément récompensée. Alors soyez patiente, Madame la Marquise, tout va très bien !

 

(photo extraite de la page Facebook de Richard Lemoine)


Le projet scientifique et culturel du musée est consultable (en abrégé) sur internet, à l’adresse suivante : https://musee.valenciennes.fr/le-projet-du-musee