mercredi 5 juillet 2017

Quel est ce cordon que porte la Sainte Vierge ?

Souvenir d'enfance
(collection familiale)
Au nombre de mes souvenirs d’enfance figure un petit tableau accroché chez mes parents, une petite représentation de la Sainte Vierge tenant dans ses mains un long ruban rouge qui faisait tout le tour du cadre, avec l’inscription : Notre-Dame du Saint Cordon. Ma petite mère, qui n’était pas originaire d’ici, s’était imaginé qu’il s’agissait du cordon ombilical reliant Jésus à Marie, et elle trouvait cette dévotion à ce « saint cordon », comment dire, assez répugnante.
Vous m’autoriserez donc à lui adresser cette lettre personnelle, et posthume pour ce qui la concerne, qui la rassurera sur l’intérêt que je porte à ce pittoresque lacet.

Ma chère Maman,
J’espère que tu vas bien, au paradis. Ici, ça va. La ville de Valenciennes a célébré, en septembre dernier, comme il se doit, son culte à Notre-Dame en procédant une fois de plus à son pèlerinage millénaire : le Tour du Saint-Cordon. Je dis « millénaire » parce que son origine remonte à l’année 1008, à peu près l’époque où vécurent Jacquouille et son Seigneur de Montmirail avant qu’ils ne se mettent à pratiquer leurs voyages dans le temps. Dure époque, où la ville de Valenciennes fut frappée par la peste. Ou peut-être le choléra. En tout cas une sale maladie contagieuse, qui fit des milliers de victimes en quelques jours. Combien la ville comptait-elle d’habitants en l’an 1000 ? Sans doute très peu : en 1800, époque où les mines fonctionnaient et embauchaient, on recense à peine 17.000 Valenciennois. L’horrible maladie a donc réellement menacé la ville d’une extinction totale. Il fallait prendre des mesures radicales, comme on dirait aujourd’hui. Ces mesures, d’une grande piété, ont sûrement été aussi d’une grande ferveur : les Valenciennois ont prié la Vierge Marie de les sauver. La rémission fut accordée, mais d’une façon bien particulière.
La Sainte Vierge se choisit en effet un messager en la personne d’un certain Bertholin, un ermite qui vivait hors la ville, au hameau de Fontenelle (une petite chapelle, vestige d’une abbaye, indique encore le lieu de nos jours, entre Maing et Trith). Elle lui dit qu’elle avait entendu les prières de détresse des Valenciennois. Elle lui demanda de rassembler les survivants sur les remparts de la ville, la nuit qui précède son anniversaire. Alors d’accord, la veille du 8 septembre (jour où les chrétiens fêtent la nativité de la Vierge), la population vint sur les remparts et assista, dit la chronique, à un spectacle miraculeux :
« On dit que, réunis sur les murailles, les spectateurs virent tout à coup les ténèbres se dissiper, la nuit se changer en lumière, tandis qu'apparaissait à leurs regards une reine majestueuse entourée d'un cortège d'anges, semblant venir de la chaumière de l'ermite et stationnant au-dessus de la chapelle du Neuf Bourg dédiée à Marie par Charlemagne. Elle tenait en mains une pelote de cordon écarlate. Un ange aurait alors saisi le bout du « Céleste filet », et d'un vol rapide entourant la ville et ses alentours, laissa tomber derrière lui le précieux cordon. Le circuit terminé, la vision s'évanouit ; à l'instant même, on dit que la contagion cessa et ceux qui étaient atteints furent guéris. »
Voilà, ma chère Maman, quel est ce saint cordon – qui effectivement a donné la vie, mais pas de la façon que tu pensais.
Je t’embrasse bien fort,
Ta fille aimante.
  
Et l’histoire ne s’arrête pas là. Car le jour de son anniversaire, le 8 septembre, Marie avait un nouveau message pour Bertholin. Elle souhaitait que, pour la remercier de sa bonté, la population de Valenciennes suive chaque année le tracé du Saint Cordon dans la ville, précisément à la date du 8 septembre. Le maire de l’époque s’y est engagé au nom de toute la population, et depuis lors le pèlerinage a lieu, tous les ans, dans une ferveur bon enfant. J’ai assisté à l’édition du millénaire, en 2008, c’était magnifique. Savez-vous que le Tour du Saint Cordon, avec ses mille ans d’histoire, est le plus ancien pèlerinage de France ?
Chaque année le maire en titre porte la statue durant le Tour du Saint-Cordon.
Ici, Jean-Louis Borloo.
(Photo, collection Richard Lemoine)






















Voilà, ma chère Maman, l’explication de la dévotion non pas à un cordon rouge mais à un geste de bonté et de compassion, d’une population qui n’a jamais failli à l’expression de ses remerciements. C’est assez rare pour être souligné.

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