mardi 28 décembre 2021

Avez-vous bu la tasse ?

Dans sa section « médicale », l’Almanach de Valenciennes et de son arrondissement édition de 1853 indique comment traiter et ranimer les noyés (page 113). Soyons heureux de vivre au XXIsiècle ! Je vous recopie le texte in extenso :

 

NOYÉS

Boites fumigatoires.– L’une de ces boîtes est déposée au corps-de-garde de la police ; l’autre au bureau de l’octroi, avancée de la porte de Paris.

            Tout noyé peut être immédiatement enlevé du lieu de l’accident ; il est inutile pour cela d’attendre l’arrivée de la police ou de la magistrature.

 

Secours à donner aux noyés.

            On débarrasse rapidement le noyé de ses vêtements, on l’étend sur le dos, un peu tourné sur le côté droit ; on débarrasse l’écume qui souvent emplit sa bouche ; mais on se garde bien de mettre en usage cette barbare coutume populaire, de suspendre le noyé par les pieds. On réchauffe le plus promptement possible le noyé, en promenant sur toutes les parties de son corps des briques ou des fers à repasser convenablement chauffés. On le frictionne avec de la flanelle chaude, que l’on enduit quelquefois de liniment ammoniacal ou à défaut de fort vinaigre.

            On place sous son nez un flacon de vinaigre radical ou d’ammoniaque étendu. – On exerce de légères compressions, alternativement sur la poitrine et sur le bas-ventre, pour rétablir un mouvement analogue à celui de la respiration. C’est vers ce but que tous les efforts doivent se diriger.

            Après quelques instants de pressions alternatives infructueuses, on devra recourir à l’insufflation de l’air dans les poumons, qu’on pourra pratiquer de bouche en bouche. Si on a eu le temps de se procurer un tube de gomme élastique de 7 à 8 pouces de long, on l’introduira dans la bouche. On pourra adapter à ce tube un soufflet ou à son défaut la bouche ; mais il faut que l’insufflation soit très ménagée pour ne pas devenir dangereuse. La fumée de tabac, introduite dans l’anus au moyen d’un tube, a été préconisée par une foule d’auteurs graves.

            On ne doit pas se lasser trop tôt d’administrer des secours à un noyé ; certains noyés n’ont donné des signes de vie qu’après plusieurs heures d’insensibilité.

            Comme on ne doit pas non plus désespérer de sauver un submergé parce qu’il a passé trop de temps sous l’eau ; beaucoup d’individus ont été ramenés à la vie, après un quart d’heure, une demi-heure et même plusieurs heures de submersion.[1]

 

 

Voilà une littérature qui mérite quelques éclaircissements. On sait que la médecine du “Siècle des Lumières“ n’hésitait pas à expérimenter in vivo les idées les plus surprenantes.

Ainsi, dès 1770, la presse française se fait l’écho d’une pratique venue d’Amsterdam pour ranimer les noyés : 


(image extraite du site egora.fr)

« Premièrement, il faut souffler dans le fondement du noyé, au moyen d’une pipe ordinaire, d’un tuyau, d’une gaine de couteau ou d’un fourreau d’épée, dont on aura coupé le bout, ou d’un souflet [sic].

Plus cette opération sera prompte, forte & continue, plus elle sera avantageuse ; elle deviendra encore plus efficace, si l’on se sert d’une pipe à fumer, ou d’un fumigateur, pour introduire dans le corps du noyé, au lieu d’air simple, la fumée chaude & pénétrante du tabac. »[2]

 

En 1772, à Paris, Philippe-Nicolas Pia, apothicaire de profession, crée la « boîte fumigatoire » contenant le matériel propre à administrer le traitement le plus efficace (la fumée de tabac dans le derrière des noyés). Cette boîte fut disposée le long des quais de la Seine, puis, l’année suivante, elle fut adoptée dans tout le royaume de France[3]

 

(image extraite du site subaqua.ffessm.fr)


 

En l’An 8 de la République, le Ministre de l’Intérieur envoie une circulaire aux Préfets des départements, indiquant ce que doit contenir une boîte fumigatoire et comment s’en servir[4]

 

(image extraite du site genealanille.fr)

Les historiens disent que la pratique de la fumigation a cessé au XIXsiècle ; Valenciennes dispose quand même de deux boîtes, encore en 1853. Cependant l’auteur de l’Almanach estime que la pratique de la fumée de tabac dans le derrière est à éviter.

Il préconise sans sourciller l’utilisation de fers à repasser bien chauds, de liniments (ou baumes) à l’ammoniaque, de vinaigre radical (ou acide acétique concentré), les premiers pour réchauffer le noyé, les seconds pour le “réveiller“.

Comme le précise la circulaire de Monsieur le Ministre, tout cela « si le malade peut le supporter ».

 

Notre siècle, qui connaît le téléphone et peut rapidement appeler des secours, est beaucoup plus raisonnable.

Voici d’ailleurs, pour votre information, les conseils de la Croix Rouge pour sauver les noyés :

https://www.croix-rouge.fr/Je-me-forme/Particuliers/Les-accidents-de-l-ete/Noyade

 

Et tenez-vous éloignés des rives de l’Escaut !



[1] A lire sur le site patrimoine-numerique.ville-valenciennes.fr

[2] Site internet egora.fr

[3] Site internet subaqua.ffessm.fr

[4] Site internet genealanille.fr

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